C’était un dimanche un peu flou, entre deux lessives et un « on fait quoi cet aprèm ? ». Et puis le site le plus connu des annonces d’occasion a fait son miracle. Un petit vélo à roulettes, pas cher, pas trop loin. 14h on trouve l’annonce, 15h on va le chercher et à 16h, c’est parti pour la grande aventure.
Mon fils de 3 ans, fier comme un coq, enfourche son bolide avec le genre de concentration qu’on réserve d’habitude aux chirurgiens cardiaques ou aux dompteurs de lions.
Trois humains et une énergie incontrôlable
Nous voilà donc tous les trois en vadrouille : lui sur son nouveau vélo, son père et moi à ses trousses. Littéralement. Un œil sur les pédales, l’autre sur les piétons. Et puis, au bout de 20 minutes, sans prévenir, sans contexte, il se met à hurler « À la pêche aux moules” en pédalant. À tue-tête. En boucle. Avec l’énergie d’un festivalier au premier rang. Pourquoi cette chanson ? Aucune idée. Mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes devenus l’attraction sonore du quartier. Les gens se retournaient, souriaient. Nous, on riait jaune, mais on riait.
Le roi de la ville (et nous, ses gardes du corps)
Il ne voulait pas suivre un trajet. C’est lui qui choisissait où tourner, sur quel trottoir rouler, et surtout à quels horodateurs s’arrêter. Il descendait du vélo à chaque passage piéton pour le pousser lui-même, comme un grand. Il s’arrêtait net pour changer de direction, il laissait tomber son vélo sans raison, le reprenait deux mètres plus loin. Et ses pieds. Obsédé par ses pieds. Il les regardait comme si c’étaient eux qui guidaient le monde.
Regarder devant ? Non. Trop simple. Résultat : on a évité de peu un chien, une trottinette et trois pigeons.
Une ville, une chanson, un enfant libre
On a fait le tour du quartier. Plusieurs fois. On a couru, transpiré, négocié, hurlé « Attention ! » dans toutes les tonalités possibles. Mon conjoint tentait d’apaiser le trafic (et moi), pendant que je courais derrière le guidon rebelle en criant : « Les pédales ! Mets tes pieds sur les pédales ! Non pas comme ça ! » Il se marrait. Il se donnait à fond. Il était heureux. Vraiment.
Fin de course au square et retour au calme
Au bout d’une heure et demie, il a bifurqué de lui-même vers un petit square. Comme s’il savait qu’il avait atteint ses limites. Là, il a lâché le vélo et s’est jeté dans le sable comme un marin à terre. Et moi, j’ai respiré pour la première fois depuis le feu rouge. On l’a laissé jouer encore un peu, puis j’ai dégainé l’arme ultime : un bonbon. Un seul. Suffisant pour qu’il accepte qu’on rentre.
Deux heures après le début de l’aventure, on poussait le vélo vers la maison, lui toujours aussi fier, moi toujours aussi essoufflée.
Ce soir-là, il s’est endormi pendant l’histoire
Pas une plainte. Pas de “Encore une”. Le corps vidé, le cœur plein et moi aussi. C’était bruyant, fou, épuisant, magique. C’était la vraie vie.
Et toi ?
C’est quoi ta dernière vraie virée ? Pas celle où tout est cadré, efficace et Instagrammable. Celle où tu te dis “OK, c’est le bazar… mais c’est là que ça se passe.” Viens me la raconter. Je te lirai. Entre deux trajets en vélo et une nouvelle passion pour les horodateurs.
« Un vélo, une chanson improbable, et la sensation d’avoir vécu un petit bout de liberté. » – Mahéjo ✨